C'est mon devoir d' en parler...
Un entretien avec Gleisson et David.
Personne créative, engagée et droite dans ses bottes, Gleisson nous raconte les hauts et les bas de sa vie avec le VIH. Iel nous parle, entre autre, de la complicité qu'iel peut vivre avec d'autres personnes vivant avec le VIH, des bien-faits des espaces communautaires, et de la convergence des luttes.
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Promotion: Positive Life, le podcast sur la vie avec le VIH.
David Jackson Perry: Bonjour, je m'appelle David Jackson Perry. Vous écoutez le podcast Positive Life et je suis ravi d'être là dans le studio aujourd'hui en compagnie de Gleisson. Gleisson, salut! Bienvenue.
Gleisson: Salut. Bonjour.
David Jackson Perry: Alors Gleisson? Si tu veux bien, commençons par le commencement. Est-ce que tu pourrais te présenter brièvement et nous dire quelques mots sur ton parcours et aussi peut-être quelques mots sur ton lien, voire tes liens avec le VIH? Autrement dit, Gleisson, qui es-tu?
Gleisson: Alors je suis une personne non-binaire. Je suis un créateur, au sens large, de campagne de communication. Je suis aussi une personne vivant avec le VIH depuis sept ans. J'aime bien faire du yoga, sortir, voyager. Voilà.
David Jackson Perry David Jackson Perry: Merci, Gleisson. Ça me donne beaucoup de pistes. Donc j'ai bien entendu que tu travailles aussi autour des thématiques en lien avec le VIH. Mais commençons peut-être avec la question un peu plus personnelle. Tu as parlé du fait que tu vis avec le VIH depuis à peu près sept ans. Est-ce que tu te souviens du moment du diagnostic?
Oui, je me souviens parfaitement. C'est un moment qui est inoubliable en fait pour les personnes concernées. Et que, selon la façon dont on reçoit cette nouvelle et autre, davantage. Je me souviens, moi-même c'était très dur au départ. Justement. Des constructions, des choses que j'avais jusque-là apprises autour du VIH / sida et que, au fil de ces sept dernières années, c'était de déconstruire tout cela en fait.
Tu parles de ces constructions. Qu'est-ce que tu entends par "constructions"? Ces constructions qui ont rendu difficile pour toi à l'époque d'entendre ce diagnostic?
Pour moi, c'étaient spécifiquement les discriminations, les stigmates et autres. En fait, dans le contexte dans lequel j'ai grandi, malheureusement, les personnes vivant avec le VIH ou le sida étaient extrêmement mises à l'écart, pointés et autres.
Et donc, quand tu entends, toi, cette nouvelle te concernant directement, tu penses directement, tout de suite donc, à ces images, ces représentations que tu as reçues en grandissant, c'est ça?
Oui, ces images traumatiques de mon enfance. Il y a un mot spécifique sur ça. En fait, c'est le mot "sidaïque" que je déteste. D'ailleurs,
C'est un mot que tu avais entendu pendant ton enfance, c'est ça?
Oui,
D'accord.
Et qui m'est venu tout de suite.
Quand on t'annonce la nouvelle, tu penses à ce mot-là qui est très chargé, effectivement. Et comment est-ce qu'avec tout ce poids, tout ce bagage, comment est-ce que tu as réagi à l'époque, quand tu as entendu cette nouvelle? D'abord?
Alors au départ, pour moi, c'était l'effondrement. Je me suis enfermé même. Parce que dans le contexte aussi où je vivais. En fait, je vivais déjà en Suisse, alors que je suis d'origine brésilienne. Eloigné de ma famille, de mes amis, de tout ce que je connaissais. C'était assez dur de faire avec sur le moment.
Un peu isolé comme ça. C'est ça.
Oui, et même parce que je décidais de m'enfermer. En fait, je n'en ai pas parlé dans mon entourage, à personne à part mon ex-partenaire, au moins pendant quatre ans.
Donc, pendant quatre ans, tu es resté un peu dans ce secret du diagnostic.
Oui même envers ma famille. En fait, j'avais besoin de temps pour moi, pour comprendre mon vécu, ce que serait ma vie avec le VIH. Ce que c'était exactement de vivre avec le VIH. J'avais besoin de ce moment-là pour me retrouver et aussi pour déconstruire des choses. En fait, ces perceptions négatives que j'avais moi-même autour du VIH qui m'ont aussi fait vivre de l'auto-stigmatisation.
Tu as dû en quelque sorte désapprendre ce que tu avais appris en grandissant, c'est ça un peu. Et te voici quand même relativement peu de temps plus tard, à parler à voix ouverte, si on peut dire, du fait de vivre avec le VIH. Donc beaucoup a changé. Mais j'aimerais te donner une possibilité de voyage. Je te propose de voyager dans le temps. Je propose de retrouver ce Gleisson d'il y a sept ans. Qui a entendu cette nouvelle. Qui était pour lui traumatisante à l'époque. Et je te propose de lui parler. Qu'est-ce que tu lui dirais aujourd'hui?
Je lui dirais "Accroche toi, n'aie pas peur. Oui, tout ira bien. Et ça peut faire mal maintenant. Mais à un moment donné, tu vas te rendre compte que c'est par le biais de cela que tu vas rencontrer beaucoup de choses dans ta vie, que tu aimes beaucoup. Et des personnes aussi qui te sont chères. Et que tu n'aurais jamais été le même, si tu n'avais pas vécu cette expérience-là".
"Accroche toi", tu lui dis, Je sais que c'est une question assez émouvante. Je le vis aussi comme ça. Donc je t'ai un peu jeté dans l'eau profonde, là. Maintenant, je te propose un autre voyage, cette fois ci "géographique". Je sais que tu connais bien la Suisse, bien sûr, le Royaume-Uni aussi, le Brésil. J'aimerais savoir, dans ton expérience, est-ce que l'expérience de vivre avec le VIH ou bien le regard qui est posé sur le VIH, à ton sens, est-ce que c'est différent dans ces différents pays ou pas? Quelles sont les différences et les similitudes?
Alors c'est très différent pour moi personnellement de le vivre en Suisse, de la partager, de ce que je fais ailleurs, par exemple au Royaume-Uni, au Brésil. La différence principale, je dirais, c'est le contexte, la perception que les gens ont du VIH/sida. Et une similitude, je dirais, à cette "fusion" qu'il y a entre les personnes concernées. En fait, je retrouve ça que je sois ici, au Royaume-Uni ou au Brésil. Vraiment un lien communautaire, et autre, qui est très important et qui me réjouit d'en faire partie, d'avoir accès à ces cercles-là, que ce soit en Suisse, au Royaume-Uni ou au Brésil.
Tu parles donc de ce lien, de cette complicité qu'on peut ressentir "entre nous".
Oui et l'entraide aussi, le partage et autres en fait.
Et pour la question du tabou, est-ce que tu trouves qu'il y a le même niveau de difficulté pour des gens de parler ouvertement du fait de vivre avec le VIH, que ce soit en Suisse, au Royaume-Uni ou au Brésil?
Dans mon expérience personnelle, c'est vrai qu'en Suisse c'était avec le temps. Je pense que ça peut être différent. Pour moi, ça a été différent par exemple de parler publiquement et ouvertement, que ce soit à ma famille ou dans d'autres contextes. Au Brésil, ça m'a pris beaucoup plus du temps et beaucoup plus d'assurance. En fait, j'avais besoin d'arriver à un point où je me sentirais plus en mesure de répondre à des choses ou bien de combattre les discriminations d'une façon différente.
Donc est-ce que j'ai bien compris que pour toi c'était peut-être plus compliqué au Brésil? Mais ça c'est aussi à voir avec ton contexte familial. C'est juste.
Aussi. Oui, et culturel en fait. Je pense que surtout dans ma génération aussi, je pense qu'on a grandi en ayant beaucoup d'images et autres bombardés. En fait, des choses qui nous ont fait développer ces mentalités, c'est stigmatisant en fait.
Donc on est bombardé comme tu dis, par des images négatives, ce qui rend plus difficile d'assumer et d'en parler ouvertement.
Oui.
C'est bien ça, Moi je trouve qu'effectivement en Suisse, il y a pas mal de tabous autour du VIH aujourd'hui en 2022. Pourtant, on sait bien, on parle d'un virus qui, à partir du moment où on est sous traitement efficace, c'est un virus qui n'est même pas transmissible. Et pourtant, je sais qu'il est difficile pour beaucoup de monde d'en parler ouvertement. Bien sûr, moi j'ai un avis là-dessus. Et bien sûr aussi que chacun doit décider pour elle-même, on est d'accord. Mais pour toi, est-ce que c'est important de pouvoir en parler ouvertement?
Pour moi personnellement, oui. Il y a des moyens de le faire. Je le fais pour moi et pour ceux·celles qui ne peuvent pas. Parce que voilà, c'est selon où on se trouve aujourd'hui dans le monde, notre contexte et autres. On ne peut pas tout simplement pour une question de sécurité, ou pour une question de bienveillance. Je fais ça aussi pour moi et pour les personnes qui ne peuvent pas. Je le fais parce que, à un moment donné, c'était tellement dur pour moi de le garder. Et après, avec tout ce travail de déconstruction, pour moi c'était normal et je pense qu'on devrait normaliser des sujets tels que le VIH/sida qui ne devraient pas être tabou. En fait, c'est pour ça que je parle ouvertement.
Ouais, j'entends bien, toi tu as dû faire face à cette déconstruction. Tu as dû désapprendre toutes ces images négatives pour pouvoir par la suite t'affirmer et apporter quelque chose à ce que j'aimerais appeler, là maintenant, la communauté. Et donc, elle comprend notamment des personnes qui ne peuvent pas en parler. Est-ce qu'on pourrait parler encore un petit peu plus de cette différence? Les gens qui peuvent en parler dans le contexte dans lequel ils vivent et des personnes qui ne peuvent pas en parler par rapport à leur contexte de vie.
Il y a dans le monde entier, par exemple, des pays qui criminalisent l'orientation sexuelle, le genre et le travail sexuel par exemple. Donc, tu imagines pour une personne qui vit, qui découvre qu'elle vit avec le VIH dans un contexte comme ça, d'en parler, sa vie est en péril!
Oui, tout à fait.
Tout simplement, c'est une question de sécurité. Pour moi, le fait d'en parler, il y a eu énormément de bienfaits et je vois aussi ce bienfait dans d'autres personnes, dans d'autres communautés. En fait, je pense que ça devrait être un droit de la personne alors que, dans certains contextes, ce n'est pas un droit qui est respecté.
Parlons de ces bienfaits. C'est quoi les bienfaits de pouvoir en parler à ton sens?
Alors personnellement, déjà, ça m'a permis de déconstruire des choses. Je pense que le fait de partager avec d'autres, c'est devenu aussi moins lourd à vivre. C'est devenu normal en fait, tout simplement, un sujet normal comme tous les autres.
Donc le fait d'en parler, en fait, ça le banalise pour soi-même aussi, et pas que pour les autres. C'est ça?
Oui. Aussi de pouvoir s'exprimer et de raconter son histoire. En fait, ça fait partie de moi. Ce n'est pas qui je suis, c'est là avec moi. Et pourquoi aurais-je à cacher cela?
Tout à fait. Alors je vais rebondir sur cette question. "Ça fait partie de moi". Moi j'ai beaucoup aimé la campagne que toi, entre autres avec Groupe Santé Genève, vous avez faite lors de la Journée mondiale du sida de 2021. Cette campagne s'appelait justement "Je suis VIH+ et?". Donc oui, ça fait partie de moi, mais ça ne s'arrête pas là. Il y a autre chose. C'est juste?
C'est juste. Alors, la campagne, c'est quelque chose qui est très touchant en fait. Jusqu'aujourd'hui, je regarde et je revis des moments que j'ai partagés avec des pairs autour de la construction de cette campagne. De la voir aussi aujourd'hui, c'est très touchant parce que là, on voit l'importance toujours et encore de l'apport des personnes concernées déjà par ce sujet.
Promotion: Toi aussi tu vis avec le VIH et tu veux raconter ton histoire? Ecris nous sur hello@positive-life.ch Et rejoins nous dans notre studio.
Juste parce qu'il y a peut-être des gens qui n'ont pas vu cette campagne, on mettra par contre le lien bien sûr sur la page du podcast, mais dans cette campagne, on a pu voir des affiches partout en ville de Genève, avec en gros plan des personnes qui vivent réellement avec le VIH. Une photo de ces personnes donc très visibles et c'est marqué "Je suis VIH+ et" puis il y a une liste d'autres choses qui font partie de leur identité. Et si je comprends bien ce que tu dis, c'est déjà la campagne même a été importante. Donc cette visibilisation. Et moi je suis d'accord avec toi. Moi, j'aimerais beaucoup voir ça au niveau national. Mais le travail communautaire de création de la campagne était aussi une partie importante pour toi. C'est juste ?
Oui, de faire ça entre pairs, entre personnes concernées. C'était extrêmement réjouissant. C'était pour moi donner du sens à l'histoire du VIH/sida. C'est pour moi une forme de reconnaissance envers les personnes qui ont fait ça avant moi en fait.
Un peu tes grands frères et sœurs de la lutte, c'est ça?
Oui, des personnes qui dès le départ ont fait qu'aujourd'hui, en tant que personnes concernées, je suis extrêmement reconnaissant envers ces personnes, surtout du milieu queer communautaire, qui étaient là et qui se sont battues pour que l'on puisse vivre dans des conditions acceptables aujourd'hui.
Ça, ça m'intéresse beaucoup en fait. Donc toi, pour toi, le VIH ce n'est pas qu'une chose individuelle qui m'arrive à moi, mais tu te places dans un contexte historique, politique, communautaire.
Oui, c'est ça.
Et puis cette campagne, en fait, c'est vous qui l'avez créée avec en quelque sorte le soutien du Groupe Santé Genève, c'est ça?
Oui. C'était une campagne créée par le Groupe Santé Genève avec le groupe de Regards croisés, qui est un projet communautaire de santé et de sensibilisation sur différents sujets de prévention des discriminations qui dans l'histoire avait la porte d'entrée VIH/sida. Le VIH/sida c'était le sujet principal. Et puis, avec le temps et justement l'histoire du VIH/sida, du Groupe Santé Genève, ce projet s'est ouvert à d'autres thématiques telles que les migrations, les identités LGBTIQIA+, l'orientation sexuelle et le genre et un tas d'autres en fait, pour déconstruire des tabous au sens large, dans le souci d'une convergence des luttes.
Ça c'est intéressant parce que donc on est d'accord, Groupe Santé Genève aujourd'hui s'appelait auparavant Groupe Sida Genève jusqu'à l'année passée, on est d'accord. Et puis donc, il y a eu ce changement de nom Groupe Santé Genève qui était justement, si je comprends bien, pour tenir compte du fait qu'en fait on ne peut pas isoler le VIH des autres luttes, qu'il y a une vraie convergence des luttes. C'est juste ?
C'est juste et c'est extrêmement important. Et je pense que, dans mon histoire personnelle, c'est un peu la même chose en fait. Le VIH/sida, c'était une porte d'entrée pour plusieurs choses, plusieurs déconstructions dans ma vie. Par exemple, ça m'a apporté beaucoup d'assurance pour vivre ma vie en tant que personne non binaire.
Est-ce que tu peux en dire un peu plus?
Ça m'a permis... Dans cette auto réflexion, j'étais aussi plongée pendant des années pour trouver des ressources en moi pour affronter la sérophobie, mais aussi affronter d'autres phobies au sens large de discriminations. Et puis ce contexte communautaire aussi. En fait, c'est une grande force pour moi de retrouver d'abord par le biais du VIH/sida, des groupes et des personnes qui sont engagées au sens communautaire. D'abord avec le VIH et après de faire ces mêmes rencontres autour des questions d'orientation sexuelle, de genre, d'autres thématiques.
J'entends des fois des gens qui disent oui, moi je ne ressens pas le besoin de me retrouver avec d'autres personnes, que ce soit autour de ces thèmes d'orientation sexuelle ou que ce soit autour du thème du VIH. Mais j'entends dans tes paroles à toi, une vraie importance de l'espace communautaire. Qu'est-ce que c'est exactement dans ces espaces communautaires qui est pour toi si riche?
Je reviens sur la campagne. C'est riche justement à cause, grâce à la multiplicité d'identités, tout simplement, de parcours de vie, de richesse, de comment on peut apprendre juste en échangeant entre pairs. Et ces espaces, pour moi, ont aussi l'importance de donner de la continuité à cette lutte commune.
Cette lutte commune. C'est presque frappant qu'aujourd'hui on a besoin de cette lutte autour du VIH. C'est à dire qu'on a ces traitements très efficaces. Encore une fois, on sait très bien qu'une personne sous traitement ne peut pas transmettre le virus. Mais il faut croire que le VIH n'est pas qu'une question médicale. Il faut croire que c'est une question sociale si on a besoin de ces ressources dont tu parles. Donc quels sont ces enjeux au niveau social par exemple?
Alors c'est tout à fait une lutte sociale aussi. Les enjeux? Je dirais surtout d'acceptation et de respect, tout simplement. Pour moi, vivre avec le VIH, je dis qu'aujourd'hui je vis extrêmement bien sur le plan "santé globale". Mais là où j'avais extrêmement besoin de soutien, d'apprendre et autres, c'était justement sur ce plan social. Et c'est donc surtout dans des lieux de santé communautaire où j'ai trouvé ces ressources-là.
Donc notamment Groupe santé Genève en l'occurrence.
Oui.
Alors, je sais aussi que tu travailles un peu sur ces questions-là tout à l'heure, que tu travailles aussi autour des questions de la décriminalisation, que ce soit autour de l'orientation sexuelle, l'expression du genre ou encore le travail du sexe. Donc c'est quoi le lien? Est-ce que tu peux être un peu plus explicite sur ce lien entre ces luttes-là, de décriminalisation par exemple, et la lutte contre le VIH? Que ce soit la prévention au sens strict, c'est à dire de prévenir la transmission du virus, mais aussi autour des questions de prévention, de stigmatisation et de discrimination.
Alors pour moi, le lien, il est vraiment clair dans le sens où on ne peut pas mettre des personnes à l'écart. En fait, on ne peut pas faire le tri dans la prévention et pointer des gens et choisir ceux qu'on veut atteindre ou pas en fait. Et le but aussi de la décriminalisation, c'est de permettre à toutes les personnes d'avoir accès à des traitements, des traitements préventifs, des traitements pour celles et ceux qui vivent avec le VIH. Du travail du sexe aussi, en fait. Parce que dans certains pays, ces personnes sont encore persécutées, tout simplement.
Et c'est quoi l'impact de cette persécution sur, disons la prévention du VIH en tant que chose médicale? C'est quoi l'impact de cette criminalisation du travail du sexe sur la prévention?
Alors c'est clairement une augmentation du nombre d'infections dans ces régions. Et aussi sur la santé mentale de ces personnes qui sont déjà mises à l'écart, discriminées mais aussi criminalisées.
Et donc ça, cette criminalisation rend donc l'accès aux soins encore plus compliqué.
Oui, extrêmement.
J'aimerais aussi revenir sur autre chose que tu as dit tout à l'heure parce que ça fait très écho chez moi. Tu as dit "c'est mon devoir d'en parler. Il y a des gens qui ne peuvent pas en parler, c'est mon devoir". Est-ce que tu peux dire un petit peu plus là-dessus?
Oui. Mon engagement il n'a pas toujours été volontaire. Parfois, ça m'a été imposé.
Tu peux en dire plus?
Je peux dire plus dans le sens où, déjà, je fais ça pour me défendre, tout simplement parfois. Et puis, avec le temps, je me suis rendu compte que j'avais, et je suis reconnaissant d'avoir, des ressources et la force et l'opportunité de faire ça. Et d'autres personnes n'avaient tout simplement pas soit la force, soit les ressources, soit le privilège de le faire. Et pour moi, c'était très important à travers ma voix, de donner voix aussi à d'autres personnes en fait.
Et en t'écoutant, j'ai l'impression que ça t'a beaucoup apporté d'en parler. Est-ce que tu as eu des expériences très négatives dans ce sens ou est-ce que globalement c'était relativement bien pris?
Non, j'ai eu des expériences négatives, soit directement, soit indirectement. Dans mon contexte scolaire par exemple, c'était assez dur de parfois entendre des propos où j'étais par exemple accusé de vouloir prendre l'avantage par rapport à d'autres étudiants sur la base de mon statut de santé.
C'est à dire que tu voulais utiliser ça comme prétexte pour avoir un traitement différent par rapport à tes camarades de classe.
Oui.
D'accord.
Ouais, et parfois même dans la vie quotidienne. Oui, j'ai eu beaucoup d'expériences comme ça. A la différence qu'aujourd'hui je me sens plus en position de combattre tout ça en fait.
Plus confiant, plus de ressources.
Oui.
Donc si c'était à refaire, si tu mettais tout ça dans la balance entre les réponses "négatives" ou "positives", si c'était à refaire, tu refais de la même manière. Tu en parles?
Oui.
Tu dis ça très clairement.
Je dis ça très clairement oui et je vais même plus loin en fait. Si je peux en parler pour moi et aussi donner voix à d'autres, je le fais tout de suite. Ou si je dois réagir. Par exemple, si je me retrouve dans une situation où je vois une personne qui se fait maltraiter, que ce soit parce qu'elle vit avec le VIH, parce qu'elle est noire, parce qu'elle est migrante, parce qu'elle est trans, juste concernée par une différence quelconque, je vais intervenir.
Oui. Donc en fait, on est de nouveau dans cette convergence de lutte où on ne peut laisser, on ne doit laisser personne derrière. En fait, la réussite d'une personne ou la non-réussite d'une personne c'est un peu notre non-réussite communautaire en quelque sorte.
Tout à fait. Et voilà notre bien-être et notre avenir et celui aussi des générations futures. Comment veut-on construire un monde où on se soucie de l'environnement, du bien-être, de la santé et autres, en mettant des gens à l'écart? Non, c'est tout simplement pas faisable, pas atteignable en fait.
Et c'est intéressant parce que tu te plaçais tout à l'heure toi-même dans un contexte historique de la lutte. Et là, je te vois, je t'entends parler et tu es absolument en lien avec les espoirs et les ambitions des militants, des activistes des années 1980 et 1990 d'Act Up par exemple, pour qui effectivement les questions de stigmatisation autour de la discrimination raciale, sexuelle, de genre, etc. faisaient partie de cette même lutte. Que les luttes sont inextricablement liées comme ça.
Ah oui, pour moi c'est évident qu'on ne peut pas combattre la sérophobie sans s'en soucier d'autres causes. .
Ils sont tous liés.
Oui, on est le produit de notre identité, de nos origines et on doit être fier et défendre ça.
J'ai une dernière question pour toi. Le VIH est généralement perçu obligatoirement comme quelque chose de négatif, quelque chose de bouleversant. Et bien sûr, ça l'est aussi, ça peut l'être aussi. En t'écoutant, j'entends aussi autre chose et j'ai envie de te poser la question plus explicitement : qu'est-ce qu'il y a de positif en étant positif?
Alors pour moi, c'était cette auto-découverte de moi, de qui je suis. De qui est là pour moi et de qui n'a pas été là pour moi. C'est très clair en fait. Et le fait de trouver en moi des ressources pour affronter des moments difficiles dans la vie.
Dans d'autres domaines.
Dans d'autres domaines, oui, ça m'a été très très utile.
Moi, j'ai envie maintenant de dire qu'une des choses, un des côtés positifs pour moi, c'est ce genre de rencontre, c'est ce genre d'échange avec des personnes comme toi, engagées avec cette réflexion profonde sur la vie, mais aussi sur d'autres questions urgentes, sociales. Je te remercie beaucoup d'être là avec moi aujourd'hui et je te souhaite une bonne suite.
Merci beaucoup. Je suis extrêmement reconnaissant de pouvoir partager mon histoire et celle de personnes qui ne peuvent pas donner un visage, une voix au VIH/sida. Et pour celles qui viendront après moi.
C'est ça.
Merci. Ciao! Ciao!
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Iel s’apelle Gleisson, créateur non-binaire qui fait campagne avec les personnes LGBTQIA+, migrant·e·x·s, PVVIH, travailleur·se·x·s du sexe et défenseur·e·x·s des droits humains.
Consultant et activiste en diversité de genre & VIH/SIDA, iel collabore avec différents acteurs sociaux intersectionnels, notamment dans des projets communautaires de santé, diversité sexuelle et de genre dans lesquelles iel apporte aussi son expertise en campagnes et communications.
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