Dalika: « Je veux de la justice »

Dès l’enfance, Dalika (pseudonyme) a réalisé que le sexe qui lui avait été assigné à la naissance ne correspondait pas à son identité de genre. Elle a beaucoup souffert pendant son enfance et son adolescence : « J’étais harcelée par mes camarades de classe, j’avais peu d’ami·x·e·s et mes parents avaient également du mal à accepter mon identité de genre ». Ce n’est qu’après plusieurs années de suivi par une psychologue que Dalika a pu trouver plus de compréhension au sein de sa famille et renforcer sa santé mentale. Cependant, l’exclusion sociale des personnes trans reste un obstacle majeur : « Dans mon pays d’origine, une personne trans est considérée comme une personne de seconde classe ; la dévalorisation et l’inégalité de traitement sont monnaie courante ».

Portrait réalisé par la FIZ (Centre de consultation pour les femmes migrantes et les victimes de traite d’êtres humains)

Après avoir terminé ses études, Dalika n’a pas trouvé de travail et elle est partie à l’étranger. Elle y a exercé le travail du sexe et a entamé sa transition de genre. Lorsqu’elle est revenue après plusieurs années, elle a découvert qu’elle vivait avec le VIH. « J’ai immédiatement cherché de l’aide médicale et j’ai eu la chance d’avoir accès à un traitement grâce à une organisation qui défend les droits des personnes trans. Car là d’où je viens, la vie d’une personne trans est considérée comme ayant moins de valeur et il est difficile pour nous d’accéder aux soins ». Cependant, après plusieurs mois, Dalika a dû se rendre compte que les médicaments n’avaient aucun effet et que le virus s’était propagé dans son corps. Son état empirait, l’infection était très avancée et avait atteint la peau et d’autres organes. « J’étais désespérée, j’avais peur pour ma vie et je ne trouvais nulle part où me procurer les bons médicaments ». Elle a demandé de l’aide à une connaissance. Par ce biais, on lui a proposé de travailler comme aide-ménagère pendant quelques mois en Europe. Avec la perspective d’avoir accès à un traitement, elle a accepté l’offre. 

Une fois arrivée en Europe, elle a cependant été confrontée à une tout autre réalité. Dès son arrivée, elle a été emmenée dans un appartement et enfermée. Son passeport et son téléphone lui ont été confisqués. Les trafiquants ont forcé Dalika à fournir des services sexuels : « Les annonces, les rendez-vous, les services et les prix – tout était géré par ses geôliers. Je ne percevais aucun revenu, car j’étais censée rembourser des dettes élevées pour le voyage et le séjour ». Lorsque Dalika refusait de recevoir un client ou de prendre de la drogue, elle était humiliée, menacée et frappée. « Beaucoup exigeaient des rapports sans préservatif », ce qui exposait Dalika à de nouvelles infections. Comme auparavant, elle n’avait pas accès aux soins médicaux et son état physique ne cessait de se détériorer. Dalika était complètement dépendante : « Même si j’avais eu la possibilité de m’échapper, où aurais-je pu aller sans passeport, sans argent, sans accès aux médicaments vitaux ? ».Après plusieurs mois, les trafiquants ont emmené Dalika en Suisse. Lors d’une descente de police, elle a été arrêtée pour séjour irrégulier et travail au noir. 

Après deux jours de détention préventive et un premier interrogatoire, la police a toutefois reconnu des signes de traite d’êtres humains et mis Dalika en relation avec le FIZ, le centre d’assistance aux femmes migrantes victimes de traite. Son état physique était déjà très critique : « En l’absence de traitement, la maladie avait beaucoup progressé et je souffrais déjà d’une perte de vision et de plaies ouvertes sur le corps ». Dalika a reçu un diagnostic VIH et de tuberculose au Checkpoint. Elle a immédiatement eu accès à un traitement complet. Le FIZ a organisé l’assurance maladie, un logement sûr et un soutien rapproché. « Pendant plus de six mois, j’ai dû prendre de fortes doses tous les jours jusqu’à ce que mon état s’améliore enfin ». Depuis, la tuberculose est guérie et l’état de santé de Dalika est stable. 

« Même si j’avais eu la possibilité de m’échapper, où aurais-je pu aller sans passeport, sans argent, sans accès aux médicaments vitaux ? » Elle a décidé de porter plainte. Bien que la peur des représailles de la part des criminels soit grande, la peur de ne pas avoir accès aux soins de santé et au marché du travail dans son pays d’origine est encore plus grande. La procédure pénale a donné à Dalika une sécurité temporaire. Au moins pendant la durée de la procédure, elle peut rester en Suisse où elle a accès à des médicaments vitaux. « Je veux protéger les autres contre les mêmes expériences et arrêter les criminels qui profitent de notre situation. Je veux renforcer la visibilité de ma communauté et sensibiliser les gens aux conséquences de la discrimination sociale et structurelle dans le monde, encore aujourd’hui ! Je veux que justice soit faite ! ».