Ricardo: substances, communauté et résilience dans l’expérience du VIH

À 35 ans, Ricardo (nom d’emprunt) incarne la complexité des trajectoires de vie des personnes queer vivant avec le VIH, où l’usage de substances peut devenir une stratégie de transformation, de redéfinition et d’exploration de soi.

Né au Brésil dans les années 90, il déménage en Suisse romande jeune. Il y découvre des espaces de sociabilité à travers sa première prise d’ecstasy en 2006 : « C’était génial, j’étais vraiment introverti avant. Le fait de danser, de voir des mecs qui s’embrassent... je me suis enfin senti chez moi ». Cette première expérience transforme son rapport à la communauté : « Ça m’a ouvert aux gens. J’étais sur un petit nuage pendant deux semaines. Je me suis enfin senti chez moi »

En 2007, son diagnostic reconfigure sa perception de lui-même « Le VIH a définitivement eu un impact sur ma consommation » explique-t-il, décrivant ensuite comment ses espaces de sociabilité où se croisent les substances et les corps sont devenus des lieux privilégiés d’exploration et de réappropriation d’une nouvelle réalité sociale. « C’est incroyable comment ces deux populations  – HIV+ qui font la fête et qui prennent des drogues – c’est presque la même catégorie » observe-t-il.

Dans ces pratiques collectives, Ricardo trouve d’abord un espace où partager son statut. « Pendant un an, je n’en parlais qu’aux personnes aussi HIV+. » Ce partage sélectif évolue progressivement vers une stratégie de transparence libératrice. Le stigmate se transforme ainsi en outil pédagogique, les espaces de consommation deviennent les incubateurs d’une nouvelle relation à son statut. En 2010, devenu indétectable, il voit son rapport au corps et à sa séropositivité évoluer parallèlement à sa relation aux substances et aux sociabilités dans ces espaces. Les conversations en communauté participent activement à la diffusion et l’appropriation des avancées médicales – notamment sur l’indétectabilité – illustrant comment ces espaces peuvent servir aussi de relais à l’information scientifique en communauté. Il trouvera aussi d’autres formes de soin au sein des groupes de «partouzeurs» : des formes d'intimité qui peuvent dépasser les représentations communes : « Des gars qui se slamment mais qui veulent des câlins, c’est dingue. » 

L’usage des substances, bien que libérateur, présente aussi des dangers. À deux reprises, il vécut des moments difficiles à cause de sa consommation, tant sur le plan psychologique et social que corporel : « j’arrêtais pas de me dire que j’abusais, que j’avais un problème. » Ces instants ont aussi été des moments de redéfinition de ses aspirations et le portent à adapter son regard sur les substances et leur place dans sa presque quarantaine : « Maintenant, je fais ma vie, je me demande ce qui me fait du bien [et je] me concentre sur d’autres objectifs.»