Une maladie chronique comme une autre?
Un entretien avec Jennifer et David.
Jennifer est née avec le VIH. Cette jeune maman parle de la vie avec sa petite famille et du fait que - pour elle en tout cas - le VIH est une maladie chronique comme beaucoup d'autres.
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Promotion: Positive Life le podcast sur la vie avec le VIH.
David Jackson Perry: Bonjour, je m'appelle David Jackson Perry. Vous écoutez le podcast Positive Life et je suis vraiment très heureux d'être là aujourd'hui avec toi Jennifer. Salut! Bienvenue!
Jennifer Fluckiger: Bonjour David. Moi c'est Jennifer Fluckiger.
David Jackson Perry: Alors, Jennifer, est-ce que déjà tu pourrais nous parler un petit peu de toi même? Quel est ton parcours et aussi quel est ton lien avec le VIH?
Jennifer Fluckiger: Volontiers. Alors j'ai 29 ans et je suis née avec le VIH. Je l'ai eu de ma maman qui elle aussi est positive. Et maintenant, depuis des années déjà, je suis indétectable.
Tu es indétectable. Donc juste pour rappel, quand on parle d'être indétectable, ça veut dire que tu prends un traitement. Ce qui veut dire que d'une part tu peux avoir une espérance de vie "normale", et en plus que tu ne peux pas transmettre le virus. C'est juste?
C'est ça, exactement. I=I, indétectable égal intransmissible.
Voilà, très bien, merci beaucoup.
Alors Jennifer, je suis toujours frappé quand je te vois. On a en commun ce virus, le VIH. Et puis en même temps, chaque fois qu'on se parle, je suis frappée par à quel point l'expérience de ce virus est tellement différente chez toi, chez moi. Commençons déjà, par exemple, le moment du diagnostic. Alors moi, en tant que jeune adulte, comme beaucoup d'autres personnes, je fais une évaluation de mes risques, je prends rendez-vous, je fais un dépistage, etc. On connaît la suite. Toi, tu es née avec. Tu viens de le dire. Ce qu'on appelle dans le jargon une transmission verticale. Donc ça a des implications quand même pour le moment où tu apprends que tu vis avec le VIH. Est-ce que tu te souviens de ce moment? C'était quand? C'était dans quel contexte? Tu étais avec qui et comment est-ce que tu as réagi à l'époque?
Alors moi, j'ai toujours su que j'avais une "maladie". Je ne savais pas le nom de cette "maladie". Et vers la troisième année primaire, je devais avoir huit ou neuf ans je dirais, j'avais besoin de mettre un mot sur cette "maladie" et j'ai longuement insisté auprès de ma maman pour qu'elle m'explique ce que j'avais. Et du coup, ma maman, elle m'a expliqué que j'avais le VIH mais que j'étais justement indétectable puis que je prenais des médicaments. Et quand j'ai appris ça, ça m'a fait un soulagement parce que j'avais besoin de mettre un mot sur cette "maladie" et de pouvoir la nommer. Ça m'a fait du bien. En fait, ce n'était pas un choc. Je savais que c'était grave, mais ça m'a fait du bien de le savoir.
D'accord, donc c'était toi et ta mère seule à discuter de ça. Ce n'était pas avec le médecin, c'était vraiment entre vous.
C'était entre nous. Exactement.
C'est ça et ta réaction, c'était le soulagement.
Exactement.
D'accord. Tu dis que tu étais "malade", mais tu ne savais pas de quoi, tu ne pouvais pas le nommer. Tu pourrais expliquer un peu qu'est-ce que c'était ce parcours de petite fille "malade"?
Ben je devais aller de temps en temps à l'hôpital pour me donner mon médicament. Ça, c'était quand j'étais toute petite. J'avais un port à cath.
Pardon, un port à cat, c'est quoi?
C'est un appareil qui permet de recevoir les médicaments via une injection sous cutanée
Donc sans devoir chercher à chaque reprise une veine.
Exactement.
David Jackson Perry: Ok, merci.
Parce que c'est contraignant quand on est petit. Et puis les veines, elles sont petites aussi quand on est bébé.
Oui ok. Et donc tu étais en train de dire que tu étais "malade" petite, donc tu allais souvent à l'hôpital? Est-ce qu'il y avait d'autres impacts sur ta vie de petite fille?
Je devais prendre un médicament, un sirop à boire qui n'était franchement pas terrible. Mais c'était ça ma seule contrainte. Après ce médicament "sirop", j'ai eu des comprimés. Mais voilà, je savais que c'étaient des médicaments qui me permettaient de me défendre contre les maladies, mais sans savoir exactement ce que c'était. Et puis quand on est enfant, on a besoin de mettre des mots pour comprendre les choses et le contexte.
Et ta mère te l'a dit en toute simplicité.
Alors elle a un peu hésité parce que si vous voulez, mes parents, ils sont divorcés. Et puis mon papa, il voulait être présent aussi pour l'annoncer. Chose que vu mon besoin, où j'avais vraiment besoin de mettre un mot là-dessus... Ma maman, elle a pris en compte plutôt mon besoin en premier qui était plus urgent et du coup elle a décidé de me l'expliquer sans la présence de mon papa. Mais après on a pu en discuter aussi les trois.
Donc en fait c'était urgent pour toi.
Voilà, exactement.
C'est ça, ok.
Tu avais déjà entendu parler du VIH? Huit ans?
Oui, je savais que c'était une maladie grave, qu'on n'en guérissait pas, mais je savais aussi qu'on pouvait vivre correctement, normalement. La seule contrainte, c'était de prendre des médicaments. Mais autrement, je pouvais vivre normalement.
Donc déjà huit ans, tu étais assez renseignée à ce sujet. Tu étais assez éduquée à ce sujet, j'ai envie de dire.
Oui, parce qu'on pouvait en parler dans ma famille surtout.
Voilà. Donc ce n'était pas un tabou dans la famille.
Non, ce n'était pas un tabou dans la famille.
Ok, très bien. Donc voilà huit ans, on t'annonce cette nouvelle qui te soulage. Et par la suite, parce que je suis conscient qu'à huit ans, on arrive à la préadolescence et l'adolescence bien sûr. Donc pas un moment facile de toute façon dans la vie d'une jeune personne. Quel effet alors sur ta vie d'adolescente.
Ben moi j'ai toujours été ouverte sur ce sujet dans le sens que j'expliquais volontiers à mes meilleures amies ce que c'était s'il y avait des questions comme ça. Et puis, quand j'ai eu mes amourettes, amoureux, enfin les relations amoureuses, je l'ai dit avant qu'on se mette en couple avec la personne. Dans le sens que, si elle ne m'acceptait pas avec cette "maladie", ben il n'y aurait pas de suite. Et puis j'ai eu de la chance parce que j'ai rencontré une belle personne qui l'a accepté sans souci, qui était très ouverte là-dessus, à comprendre, à expliquer aussi que ce n'est pas parce que j'avais un copain que je ne pouvais pas être avec lui et puis que j'avais la possibilité de ne pas le transmettre vu que j'étais indétectable. Donc voilà, en expliquant les choses, ben ça aidait.
Ça c'est très intéressant. J'ai écouté un podcast l'autre jour où des personnes qui parlaient, qui parlaient aussi du fait qu'ils ont parlé très rapidement, quand ils ont rencontré quelqu'un, et ils appelaient ça un filtre à cons.
Ouais, c'est ça, exactement.
Ça fait le tri, hein, on est d'accord. Et donc, je reviens un petit peu en arrière. Je reviens à cette pré adolescence. Tu dis "J'en ai parlé avec mes copines de classe", c'est à dire qu'à huit ans tu te sentais déjà à pouvoir en parler à tes camarades de classe.
Alors seulement les meilleurs amis proches. Mon papa, il m'encourageait à pas forcément tout dévoiler à tout le monde comme ça. Parce que pas tout le monde avait non plus cette ouverture d'esprit là et cette acceptation. Parce que ce n'était quand même pas rien.
Et quelle réaction? Qu'est-ce que t'as rencontré comme réaction de la part de ces autres petites filles?
Un étonnement dans le sens que ça ne se voit pas et qu'elles ne pensaient pas forcément rencontrer des personnes dans leur entourage qui pourraient l'avoir. Ça paraît éloigné dit comme ça, mais au final pas forcément. Et elles l'ont toujours pris bien en fait. J'expliquais que ce n'est pas parce que je me coupe que je peux le transmettre. Enfin voilà, en expliquant les choses, bah du coup, ça permet aux autres de l'accepter.
C'est intéressant. Je rencontre pas mal de personnes dans mon travail au CHUV qui peut-être apprennent à 40 ans, 45 ans ou 50 ans et pour qui ça devient très très compliqué d'apprendre comment en parler, à développer des stratégies pour en parler, pour rester soi-même en sécurité en quelque sorte, face à la personne et pour ne pas mettre l'autre personne aussi en difficulté de sa réaction. Alors j'ai l'impression que toi, tu as appris extrêmement tôt, peut-être des stratégies, comment gérer cette information? Est-ce que c'est juste de dire que tu as développé des stratégies très tôt?
Oui, c'est ça. Clairement oui. Mais encore une fois, en en parlant dans ma famille, ça m'a permis de pleinement pouvoir communiquer sur ça ou pas communiquer si je le décidais. Ce n'était pas une obligation non plus bien sûr. Et puis voilà, ça permet que ce soit fluide.
Ok. Et puis qui t'a conseillé? Tu as mentionné que ton père t'a donné des conseils du genre "Voilà, oui, tu peux en parler, mais choisis bien à qui tu en parles. Ne dites pas, ne crie pas sur les toits peut-être". Est-ce que tu avais d'autres conseils de la part de tes parents en grandissant comme ça, de comment gérer ça? Comment gérer cette information avec les gens autour de toi?
Bah, pas spécialement de conseils, mais juste de voir par rapport au feeling en fait. Si je me sens en confiance ou pas. Parce qu'après j'ai vite compris et vite mis des stratégies en place dans le sens que comme tu as dit avant, si on ne m'accepte pas avec ça, ben au revoir.
Le fameux filtre à con.
Voilà, le fameux filtre à con.
Absolument.
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Est-ce que ça t'est arrivé de... Je sais que pour beaucoup de gens, encore une fois des adultes qui apprennent qu'ils vivent avec le VIH, ça peut être un moment très important et très utile de rencontrer d'autres personnes qui vivent avec le VIH. De trouver, peut-être, un espace communautaire. Est-ce que toi tu avais ressenti ce besoin?
Pas spécialement quand j'étais petite, parce que justement je pouvais en parler dans ma famille ou comme ça. Donc mon espace communautaire, c'était ma famille, entre autres. Mais je pense que s'il n'y a pas cette opportunité-là de pouvoir en discuter avec les proches ou comme ça, c'est vrai que la personne elle peut se sentir seule. Et de pouvoir avoir un espace où on peut en discuter en étant accepté tel qu'on est, je pense que ça peut faire beaucoup de bien effectivement.
Donc à l'époque ça ne t'a pas manqué spécialement parce que tu avais ta famille qui était presque ton espace communautaire. C'est juste?
Oui, c'est ça.
On est d'accord. Et puis aujourd'hui, est-ce que ça a évolué pour toi? Est-ce que ça t'intéresserait aujourd'hui d'intégrer des espaces communautaires ou pas?
Bien honnêtement, oui, dans le sens qu'on a plein de profils différents, avec des parcours tous différents les uns les autres. Et puis au final, on est quand même reliés par cette "maladie". On a ce point commun qui nous réunit. Et de t'avoir rencontré, typiquement c'était une très riche rencontre. Et je trouve ça chouette de pouvoir partager, de pouvoir aussi comprendre les vécus des autres. Parce que toi par exemple, tu n'as pas vécu de la même manière que moi je l'ai vécu et c'est super riche en fait.
Oui, tout à fait. Pour moi aussi, notre rencontre était une belle rencontre pour moi. Je me suis senti très rapidement en lien avec toi. Je me suis demandé par la suite quelle part de ça est parce que justement nous avons en commun ce VIH, et quelle part de ça est aussi juste qui on est comme ça. Parce que nous, on a toujours la banane. Quand on se retrouve par exemple, on est là ensemble maintenant. On se fait des grands sourires. Donc oui, effectivement, il y a cet intérêt pour ces espaces communautaires. Pour les gens qui n'ont peut-être pas eu la chance de grandir, peut-être, dans un milieu aussi ouvert que le tien, effectivement.
Je sais que tu es aussi maman. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ça? Qu'est-ce que c'était pour toi? Comment c'était pour toi de devenir maman?
Alors en effet, j'ai une petite fille qui a sept ans maintenant. Quand je suis tombée enceinte, on a quand même été un peu plus souvent à l'hôpital pour voir si tout allait bien. C'étaient des contrôles classiques et puis voilà. Vu que j'étais indétectable, théoriquement, je ne pouvais pas le transmettre à mon enfant. Voilà, typiquement moi, je l'ai eu à l'accouchement. Ma maman, elle m'a transmis la "maladie" quand elle a accouché de moi. Du coup, moi c'était une de mes craintes. Mais vu que j'étais indétectable et que ce n'était pas la même époque non plus et que les traitements ont évolué, normalement, je ne devais pas le transmettre. Enfin je ne devais pas le transmettre à ma fille. Et du coup, à la naissance de ma fille, ça s'est avéré qu'elle était séronégative. En prévention, on lui a donné un traitement de prophylaxie. C'était justement pour prévenir, pour pas qu'elle l'ait. Et puis à ses deux ans, une fois que l'enfant n'a plus les anticorps de la maman, ils refont un test pour savoir si elle est bien séronégative. Et c'était le cas. Elle est bien séronégative. Donc ma fille est en parfaite santé.
D'accord. Et puis est-ce que tu as pu allaiter?
Alors à l'époque, c'était en 2015, mon médecin, il me conseille de ne pas forcément l'allaiter. Parce que, voilà, on pouvait aussi peut-être le transmettre mais ce n'est pas sûr. Mais au final, ça s'est avéré qu'une année après, les traitements ont fait... Enfin, les recherches ont fait que... Ça confirme qu'en Suisse, on peut allaiter sans transmettre le virus à son enfant.
Voilà d'accord.
C'est une très bonne nouvelle.
Oui, donc en fait, toi tu étais un peu à ce moment charnière.
Ouai c'est ça, entre deux.
Voilà, un peu entre deux comme ça. C'était anxiogène pour toi?
Euh, non. Alors j'avais quand même peur de le transmettre. Je ne le cache pas. Par voie basse, pour l'accouchement. Mais moi, j'avais déjà peur de ne pas pouvoir le porter mon enfant normalement. De ne pas pouvoir accoucher par voie basse. Donc déjà, juste de pouvoir faire tout ça, j'étais super heureuse en fait.
Pour d'autres raisons ou à cause du VIH.
À cause du VIH.
D'accord. Alors qu'en fait voilà, c'est tout bon. Et aujourd'hui on sait qu'on peut effectivement accoucher par voie basse et allaiter son enfant.
Exactement. Et qu'il soit en parfaite santé et que tout va bien.
Ok.
Je me souviens, on s'est rencontrés je pense en octobre/novembre l'année passée. Et puis ma collègue à qui j'avais dit : "voilà, je cherche quelqu'un qui aimerait faire un spot radio pour le 1ᵉʳ décembre. Si vous connaissez des gens, merci de leur demander si on peut être en contact". Puis elle m'a dit : "Moi j'ai quelqu'un qui vient me voir aujourd'hui. Est-ce que tu veux que je lui demande? Je pense que ce serait quelqu'un de parfait pour ça". Donc on s'est rencontrés là et quand on s'est rencontrés, tu avais vraiment une grande envie de témoigner, de parler de ton expérience. Bien sûr que ça m'a frappé parce que souvent, pour les gens, c'est très délicat. "Est-ce que je suis prêt ou prête à révéler ça, à parler de ça ouvertement?" Pour toi, c'était vraiment le contraire. C'était comme si tu avais faim de ça.
Oui exactement.
C'est juste de dire ça comme ça.? Tu peux expliquer pourquoi?
Oui, c'est ça. Parce que je pense que c'est important pour les personnes qui l'apprennent, qu'il y ait quelque chose à faire ou quelqu'un à qui se raccrocher. Et puis, c'est vrai que, si on ne fait pas partie des espaces communautaires, on ne sait pas forcément qui c'est qui l'a ou qui ne l'a pas, ça ne se voit pas. Et puis, ça fait du bien de pouvoir se retrouver. Et je pense que ce côté visible est important. Et j'avais envie de te dire aussi et de témoigner que "oui, j'ai cette maladie", mais "oui je vais bien" surtout. Et qu'il n'y avait pas forcément que des parcours négatifs ou difficiles ou durs. Et que ça pouvait être aussi positif. Ça pouvait aussi bien se passer. Qu'on peut être aussi très bien accepté. Et puis qu'on peut vivre pleinement bien avec ce virus en 2022. Donc voilà, j'avais envie d'amener un message positif.
Je me pose une question. C'est vrai, comme tu le sais, si ce n'est que par nos rencontres, que pour beaucoup de gens, cette expérience positive n'est pas l'expérience primordiale pour ces personnes. Est-ce que pour toi, parce que tu as eu tellement d'expériences positives en fait, est-ce que toi, tu arrives à comprendre à empathiser avec ces autres personnes qui vivent avec le VIH et pour qui le parcours est plus complexe?
Oui, clairement. Mais déjà la grosse différence aussi, c'est que moi je suis née avec. Donc du coup, je suis avec cette "maladie". "Je ne me vois pas sans elle". Elle est qui je suis et inversement. Contrairement à, par exemple, ma maman qui l'a appris à ses 20 ans. Où il y a eu un avant et un après. C'est comme un deuil à quelque part de la vie "normale", en bonne santé. Et quand on l'apprend comme ça, ben voilà, de prendre un traitement tout ça, ça impacte beaucoup plus dans la vie que quand c'est un automatisme en étant enfant.
Alors tu as parlé de bien vivre avec le VIH tout à l'heure. Et en entendant ça, je me rends compte qu'au CHUV, on met en place pas mal de projets qui ont pour but de soutenir des gens à bien vivre avec le VIH. Et en même temps, je me dis "est-ce qu'on a défini ça veut dire quoi de bien vivre avec le VIH?" A ton avis Jennifer, ça veut dire quoi de bien vivre avec le VIH?
Ben voilà, quand tu me parles de ça, la première chose que ça m'évoque, c'est qu'il faut que ça impacte le moins possible la vie quotidienne. Honnêtement, c'est ça qui me vient à l'esprit directement. Donc je pense, la prise des médicaments ou les rendez-vous, les choses comme ça, ça peut impacter. Mais que bien vivre avec le VIH, ça passe aussi par la communication. Voilà, de pouvoir discuter avec son entourage ou autre, ça permet de s'accepter.
Donc en fait, d'une part que ça ne prenne pas trop de place dans sa vie. Mais que d'autre part, on puisse quand même en parler quand on en ressent l'envie ou le besoin.
Voilà.
Ce serait ça de bien vivre pour toi?
Moi je pense, ouais.
D'accord, d'accord. Et puis donc, quelle place alors est-ce que le VIH prend dans ta vie aujourd'hui?
Pas trop de place.
Pas trop de place, juste la bonne place.
La bonne place. Non, non, ça va bien.
Ok. Tu sais, je ne sais pas si tu te souviens, en 2020, j'avais organisé cette conférence sur la stigmatisation liée au VIH. Le titre de cette conférence, c'était "Une maladie chronique comme une autre?". Il en est ressorti de cette conférence que d'un point de vue médical, le VIH est une maladie chronique comme une autre. C'est à dire, comme tu l'as bien dit, on prend ses comprimés, on ne peut pas transmettre le virus et on a une espérance de vie tout à fait dans les normes.
Exactement.
Mais il s'est aussi avéré que du point de vue social, ce n'est pas une maladie chronique comme une autre parce qu'il y a ce poids social. Et il me revient encore une fois notre première rencontre. Quand je t'ai rencontrée, je m'étais dit : "Eh bien, voilà à quoi ça ressemble un monde où le VIH est effectivement une maladie chronique comme une autre". Ça m'a énormément frappé. Ça m'a donné une sorte de vision utopique de ce que ça pourrait être si le VIH était comme le diabète par exemple.
Exactement.
J'ai vraiment l'impression que c'est comme ça que tu que tu vis la place du VIH dans ta vie. Et j'ai envie de te poser une dernière question est-ce que le VIH t'a apporté du positif dans ta vie et si oui, quoi?
Mon filtre à con!
Ton filtre à con! Raconte, tu les vois venir?
Non mais honnêtement, c'est ça. Je pense que ça m'a apporté de la confiance en moi et puis aussi de vivre avec authenticité, je dirais, dans le sens que je pense aux relations, que ce soit amicales ou de couple. Mais voilà, qu'en discutant ça va bien en fait, tout simplement.
Rappelle-moi, tu travailles dans quel domaine?
Je suis assistante socio-éducative, je travaille en EMS.
D'accord. Est-ce que dans ton travail, ton expérience de cette petite fille et maintenant cette femme de 29 ans, est-ce que ton expérience de vie avec le VIH t'apporte quelque chose, est utile pour toi dans ton travail, dans tes rapports de travail?
Oui, clairement. Je pense que ce n'est pas pour rien que j'ai atterri dans le social non plus. Mais je pense que ça m'apporte déjà de la tolérance, de l'ouverture et de l'empathie. Voilà, je pense qu'il faut qu'on accompagne autant que ça se fait dans mon métier ou peu importe, même dans les relations privées, mais qu'on accompagne et qu'on se sente écouté. Et que voilà, que les gens nous considèrent enfin, qu'on soit accepté, tout simplement en fait.
Donc tu as l'impression que le fait que toi, tu as dû faire ces démarches pour te faire accepter de manière comme tu dis "authentique", fait en sorte que toi, à ton tour, tu arrives à accepter les autres authentiquement pour qui ils sont.
Je pense que c'est un échange qui doit se faire. Voilà, un peu plus de tolérance envers tous et peu importe le sujet.
Jennifer, un grand merci pour ce moment passé ensemble.
Avec plaisir David.
Un grand merci de nous avoir donné cette vision utopique d'un monde où le VIH est en effet une maladie chronique comme une autre. Bonne suite.
Merci. Pareil.
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Jennifer est une jeune femme de 29 ans travaillant en tant qu'ASE assistante socio-éducative en EMS. Diagnostiquée séropositive depuis sa naissance et depuis de nombreuses années indétectable donc intransmissible, Jennifer est aujourd'hui maman d'une petite fille de 7 ans qui est séronégative et profite des plaisirs simples de la vie avec sa petite famille. Spontanée, ouverte, battante et authentique, Jennifer a toujours vécu avec sa maladie et s'est fait la promesse qu'elle ne l'empêchera pas de pleinement vivre sa vie et en a fait une force.
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